Le Peuple Animal
Extraits

Par Anne et Daniel Meurois-Givaudan
Éditions Amrita Copyright 1974 (France)
ISBN 2-90-4616-94-2

LIÈVRE
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nos amis. Sa vie nous importe. Alors, si seulement nous pouvions...

Insectes

    Derrière Tomy, presque dans la trace de ses pas, nous continuons d'avancer, côtoyant les toiles d'araignée couvertes d'humidité et des colonies d'insectes recroquevillés dans les reliefs des troncs. Tout un monde qui vit en marge du nôtre et qui grandit, lui aussi, à son propre rythme. « Un monde aussi organisé que le vôtre... intervient notre invisible compagnon. L'univers des insectes est un monde d'apprentissage pour des formes de vie animées et nouvellement venues sur la planète. Celles-ci expérimentent la notion de mobilité. Elles apprennent ainsi une sorte d'autonomie, bien que toutes soient reliées à une âme-poupe toute puissante qui elle-même essaye de se structurer. La plupart des insectes proviennent, en essence, des échelons les plus avancés de l'univers végétal.

    Lorsque la conscience d'une variété de plantes a tout expérimenté dans son règne, lorsqu'elle a offert à la Terre tout ce qu'il lui était possible d'offrir par sa présence subtile et son action chimique, pourquoi n'accéderait-elle pas, elle aussi, à une autre réalité ? L'Esprit Universel lui ouvre alors progressivement les portes du monde animal. Ainsi apparaissent les plantes sensitives, puis carnivores, ultimes formes de vie végétale, avant l'entrée dans le peuple des insectes.

    Chaque variété d'insecte, voyez-vous, est donc une âme à part entière. Une âme jeune certes mais qui mérite tout autant de respect qu'une autre puisque son origine et son devenir sont les mêmes que ceux que la Divinité a inscrits dans votre poitrine. Chacune de ces âmes a pour mission de croître, bien sûr, mais aussi, tout en nourrissant la terre à sa façon, de développer une fonction vitale pro-

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pre au monde des formes. Ainsi, telle famille d'insectes  apprend par exemple la fonction foie, telle autre la fonction rate ou rein ou encore telle fonction infiniment plus spécialisée, comme la fonction suc digestif ou encore celle d'un enzyme... Car il y a de l'intelligence en tout, ne l'oubliez pas.

    La découverte de la grande merveille qu'est la Vie réside justement dans cette prise de conscience capitale. L'amour du Tout en est à la fois le point de départ et la résultante.

    Une seule fois dans votre vie, avez-vous songé à stopper toute activité durant cinq minutes, pour laisser naître une telle expansion de conscience ? Cinq petites minutes pour percevoir le lien d'amour et l'extraordinaire chaîne de vie qui unissent cet apparemment rien ou ce si peu que l'on voit à peine sur le sol et vous... les hommes, vous et aussi ceux qui vous précèdent sur le chemin de la croissance. Oh, mes amis, je lis déjà dans votre esprit une sorte d'inquiétude qui soulève des interrogations, des objections !

    Mais alors, vous dites-vous, quel tourment s'il faut prendre conscience, à chaque pas posé sur le sol, que l'on brise peut-être le cours d'une vie !

    Sachez-le, ce n'est pas une telle attitude que la Force Universelle attend de vous. Il y a infiniment plus de conscience dans le boeuf dont l'homme fait son repas quotidien que dans la puce dont il débarrasse son chien ou dans le capricorne qui ronge la charpente de son habitation. Respecter la Vie ne signifie pas brider la circulation de celle-ci en soi. À chaque seconde de votre existence physique, vous interrompez sans le savoir des milliers d'autres formes d'existences à la surface de votre peau.' La

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1 - Les acariens.

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vie se nourrit de mort... ou si vous préférez la formation se nourrit de transformation. Voilà pourquoi il est des morts que vous ne pourrez éviter... de la même façon que votre mère la Terre ne peut s'empêcher de vous engloutir lorsque son corps gronde.

    Préservez la vie là où vous la voyez en danger et faites en sorte, avec l'oeil du coeur, qu'elle soit le moins possible en péril, en souffrance. Voilà ce qui vous est demandé : un respect aimant et attentif. Certes pas une crispation. Une bûche que l'on porte à la cheminée cache peut-être dans ses interstices la petite présence d'un cloporte. Quelques secondes d'attention, c'est-à-dire un peu d'amour, suffisent alors à prolonger le cours de sa vie... C'est en ce sens que vous pouvez intervenir aisément lorsque au-dessus de
vos gestes quotidiens vous laissez s'inscrire un regard simple, vigilant, aimant et fluide.

    Maintenant... maintenant laissez-moi vous parler de l'action humaine sur l'univers des insectes, ou plutôt de l'interférence humaine. Il y a bien longtemps, disparut de la surface de cette Terre une civilisation d'hommes et de femmes dévorés par leur propre orgueil. Cette civilisation avait, selon votre langage, développé une très haute technologie. Elle avait notamment favorisé ses recherches dans le domaine de la génétique... plus loin encore que vos scientifiques ne l'ont fait aujourd'hui. Permettez-moi de ne pas employer le terme de savants, car le Savoir véritable est une chose si sacrée que bien peu de vos scientifiques peuvent prétendre y avoir accès. Ce véritable Savoir s'appelle Connaissance et il s'exprime par une vision, une recherche justes et harmonieuses de la pénétration de la Vie à l'intérieur de toute forme puis au-delà de celle-ci.

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    C'est précisément ce qui a fait défaut aux hommes, il y a des milliers et des milliers d'années. En leurs laboratoires, certains d'entre eux voulurent créer une forme de vie, un peu par jeu, surtout par vanité. Ils connaissaient la réalité des égrégores, c'est-à-dire des potentiels d'énergie issus de la pensée et qui sont capables d'influer sur la matière. Forts de ce savoir, leur but était d'alimenter des cellules issues du monde animal au moyen d'un de ces égrégores. Celui-ci en constituerait la batterie, non pas l'âme, certes, mais la contrepartie, le support éthérique. Il l'animerait. Encore fallait-il trouver un égrégore actif, résistant, constamment alimenté. Celui-ci devait aisément se fixer à un constituant fondamental de la matière, à une mémoire : le sang.

    Hélas, dans leur quête d'un égrégore, ces hommes n'eurent que l'embarras du choix. La pensée humaine, individuelle et collective, dans ce qu'elle a de moins noble sait fort bien produire des énergies toxiques constamment entretenues. Ce peut être le goût de la violence, la peur ou cent autres choses. C'est d'un tel choix, d'une telle manipulation qu'est donc née cette forme de vie si résistante et si primaire que vous appelez aujourd'hui la tique.

 La Nature, par le jeu de ses lois, génère parfois d'elle-même de semblables mécanismes. Ainsi, nombre de virus, facteurs d'épidémies, sont à leur origine première suscités par des égrégores humains à bas taux vibratoire. L'apparition d'une épidémie révèle toujours une période où un groupe humain manifeste un fort remaniement ou déséquilibre psychique... »

    Avec l'apparition des tous premiers rayons d'un soleil qui blanchit timidement le ciel, la voix s'est interrompue là... Elle sait fort bien que tant de choses déjà sont à assimiler.

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Âne
 

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    Dans l'étable que plus rien ne trouble, le voile d'un doux silence est tombé sur nous tous. Nos êtres subtils, dont nous ne parvenons plus à percevoir ni les contours ni la substance, se sont dissous... Et pourtant, nous sommes bien là, plus présents, plus conscients que jamais, quelque part vers la voûte de pierre. Nous sommes seulement des regards capables de tout envelopper, de tout aimer, appelés de l'intérieur à pénétrer chaque chose, chaque être et à les recevoir. Instant magique où l'on éprouve le sens de la fusion... Alors, semblable à une perle fine dont l'éclat touche l'âme, quelque chose se met à scintiller au plus profond de notre être. Ce quelque chose fait naître une sensation délicate, intraduisible mais en laquelle nous devinons une présence nouvelle. Petit à petit, un son en émerge, une douce modulation qui paraît provenir... presque d'un autre espace. Et ce son devient une voix, discrète, fluette, mais belle et sereine.

    « Permettez-moi, fait-elle tout d'abord, à peine audible, de vous parler au nom de mon peuple, celui des ânes. J'en suis la conscience et le guide. Mon cœur, celui des miens, contient tant de secrets qu'il en ressent un fardeau. C'est un fardeau qui n'a pas véritablement d'âge, tant il remonte à d'autres temps que la mémoire des hommes n'a su présenter. Saurez-vous m'en décharger quelque peu en m'offrant votre amour ? Ce poids ne m'inflige nulle souffrance mais entretient une vieille lassitude. Je sais que, par elle, l'étendue de ma conscience et celle des miens se polissent. Pourtant il y a un Feu intérieur qui nie commande de raconter... comment tout cela est arrivé. »

    « Cela...? »

    « L'événement... le noeud, la marque de mon peuple, ce qui le lie à cette Terre et à ses hommes.

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    C'était il y a des millions et des millions de vos années, en un temps où le feu et l'eau qui se rencontraient faisaient naître de longues mers de bruine à la surface du continent. Comme tout ce qui se meut sur cette Terre, les premiers éléments de ce qui constitue aujourd'hui mon peuple avaient déjà depuis longtemps pris corps dans cette matière, apportés par un souffle venu des étoiles. Mon esprit, lui-même issu du Centre de l'Univers, était jeune encore dans la tâche qui est sienne. Il apprenait les lois de la densité à travers d'immenses troupeaux de petits êtres, assez semblables à ceux que vous connaissez aujourd'hui, mais plus velus. La contrée où les premiers des miens avaient fait souche était verdoyante et se situait quelque part aux pieds de ces montagnes que VOUS nommez Himalaya. Ma tâche était d'insuffler aux êtres dont j'avais la charge... une pénétration aigüe de l'âme de tout ce qui vit... une vision de ses couleurs, une perception de son devenir. Ainsi, étais-je et suis-je encore polarisé. L'Esprit de Vie a en effet placé en moi, de toute éternité, des talents d'interprète et de devin...

    Par ma sensibilité, je devais permettre à ceux de ma race, ceux dont la conscience émanait de la mienne, de traduire par des signes la présence de Forces divines à l'ensemble du peuple animal et humain. Je devais servir de rappel vivant a ceux-ci. En ce temps-là, il y avait une race d'hommes dont ma conscience était proche. Ces êtres qui vivaient solitaires dans les montagnes étaient détenteurs d'une profonde sagesse. La mémoire de tout le genre humain était vivante en eux. Eux aussi servaient de rappel vivant de la Présence divine pour l'ensemble de leur espèce. Nous étions en quelque sorte leurs compagnons et leurs alliés. Par des signes que nous pouvions laisser parler à

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travers nous, nous les aidions à pénétrer les événements à venir, non pour manifester un pouvoir mais pour mieux diriger leur présent et mieux les aider à déceler les richesses de la Création. Ces hommes se plaçaient au dessus des rois dont ils influençaient souvent les décisions et les comportements. Dans l'esprit de certains en cc monde, nous étions si proches d'eux que l'on en venait à nous unir en un seul nom...I

    Ainsi, nous transmettions en commun une énergie, une force par laquelle ma propre conscience croissait aussi à travers mon peuple. Ce dernier m'enseignait tout autant que je l'enseignais.

    Puis, vint le temps de la rupture entre le monde animal et le monde humain. Une duplicité maladive s'introduisit en l'homme. Nous la savions déjà présente depuis fort longtemps mais elle somnolait comme un germe qui  attend son heure. Dès lors qu'elle se révéla, elle se diffusa telle une peste ou une gangrène à la surface du continent. Il y eut l'orgueil, la rébellion, la cruauté et... le doute.

    Certains de mes frères animaux furent contaminés par des sortes de flammes sortant des coeurs humains et se fermèrent à tout partage. Oui... il y eut donc le doute, le doute qui vient du choix, cette rencontre des chemins ou chacun contrôle et estime sa force, sa transparence, où chacun aussi vient se placer un instant, sans le savoir, au centre d'une croix. C'est en mémoire de cette heure du Choix

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1 - Sans doute faut-il voir ici une allusion aux Ases, divinités qui ont donné leur nom à l'Asie et aux As de nos jeux de carte, effectivement supérieurs aux Rois. La langue française traduit bien la parenté de nom à laquelle il est fait référence ici puisque, pendant des siècles, le mot âne a été orthographié « asne ».

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que l'Esprit de Vie a inscrit un signe sur l'échine de certains des miens.'

    Une heure qui demeure plus que jamais vivante en ma conscience, mi-douloureuse, mi- joyeuse.

    Devant l'épreuve du choix, je vins à douter de ma place parmi mes frères animaux. L'homme m'attirait, je ne crains pas de le dire. Au lieu de me replier avec la majorité de ceux de mon peuple, je voulus donc continuer à cheminer aux côtés de l'humanité, à la servir. La trahison par rapport aux miens n'était pas dans mon coeur ; elle ne l'a jamais été... mais le remords y est né, peu à peu. Je n'avais pas été doté de conscience humaine ...Les cordes de mon âme avaient été accordées sur un autre mode et il aurait peut-être fallu que j'accepte cela.

    Quoi qu'il en soit, aux yeux (de certaines âmes collectives du monde animal, je devins une sorte de paria et j'entraînai mon peuple sur une voie de solitude. Je ne vis alors plus d'autre alternative que de servir la Force de Vie qui m'éprouvait, en acceptant de prêter mes échines au gré des besoins humains. Cette servitude me rachète à mes propres yeux et face à la conscience de tous mes frères... bien qu'elle continue parfois de blesser la dignité que ma fonction première a inscrite en moi à jamais. Comprenez-vous la signification réelle et le pourquoi de tous ces fardeaux qui écrasent, quotidiennement, de par le monde, le dos de millions de mes semblables ? Il est l'apprentissage d'une acceptation, une acceptation qui se fait à travers le constat de l'indifférence et de la cruauté humaine.

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1 - Certains ânes portent en effet très distinctement la marque d'une grande croix sur l'échine.

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    Parfois, cependant, il m'est donné de poursuivre mon oeuvre à la plus juste mesure de ma connaissance. Quelques hommes, de-ci, de-là, se souviennent encore de la polarisation de mon âme, de mes talents d'interprète du Courant divin. Ceux-là sont rares. Ils savent lire entre les pages de l'histoire des peuples et à travers ce qu'on dit être des légendes, les traces de l'empreinte lumineuse
dont je suis marqué. Ils comprennent le pourquoi de ma place auprès du Maître Jésus, naissant ou pénétrant dans Jérusalem. Ils savent le pourquoi du roi Midas arborant des oreilles d'âne et transmutant tout en or sur son passage. C'est pour cela aussi qu'il est des contes mentionnant quelque pouvoir placé dans mes sabots ou mes robes de poils'. Toutes les Traditions de la Terre des hommes véhiculent de semblables souvenirs. Celles-ci perpétuent autre chose que des symboles et des allégories.

    Patiemment, à travers les miens, j'attends alors le jour où mon âme aura pleinement accepté et intégré la noblesse de son animalité, le jour aussi où l'homme aura redécouvert le Sacré, où il verra derrière mes yeux quelque chose d'autre que la stupidité²... Opiniâtre à l'excès,

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1 - Se référer ici au conte « Peau d'âne ».

2 - Il semble bien que le symbole du bonnet d'âne dont on recouvrait autrefois la tête des cancres ait été utilisé de façon totalement erronée. Initialement, il ne véhiculait pas une volonté de moquerie qui assimilait l'ignorance de l'élève à celle de l'âne. I1 servait plutôt à émettre le souhait que celui qui portait un tel bonnet puisse acquérir la connaissance de l'âne. Il avait la même fonction que la forme pyramidale dont on dit qu'elle concentre certains rayons en un point précis. Voir aussi à ce propos l'image de l'entonnoir (cône qui rappelle la pyramide) que certains peintres ou dessinateurs placent traditionnellement sur la tête de ceux qui ont perdu le sens commun.

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sans doute le suis-je en effet, amis humains... mais derrière cette opiniâtreté se cache un trésor qu'il me tarde de vous offrir. Si je m'adresse à vous aujourd'hui, ce n'est pas, certes pas en vue d'implorer votre pitié ou d'émettre une longue plainte... mais tout simplement pour que vous compreniez parce que vous avez besoin de comprendre pour aimer... et parce que mon peuple, celui des ânes, a un immense besoin de votre amour. »

    Telle une flamme qui s'éteint sans crier gare, la voix s'est retirée de nous. Durant un long moment, cependant, son empreinte a persisté. Maintenant encore elle semble nous priver de toute volonté de mouvement et de toute soif d'autre chose. Sa nostalgie nous habite, déconcertant mariage de fierté et d'humilité.

    Non loin de nous, Tomy et son nouveau compagnon n'ont toujours pas bougé. Étaient-ils conscients que quelque chose se passait ? Seule une volée de cloches, s'échappant de l'église voisine, suscite un mouvement d'oreilles chez eux. Nous pourrions partir, laisser glisser doucement nos corps de lumière sous l'arcade de la porte, mais une force muette nous persuade du contraire.

    Se dessine alors la certitude que nos êtres n'ont pas fait le plein de ce qu'ils doivent vivre en ces lieux. Et la voix ? Où est-elle cette Présence-guide qui nous a menés ici ? Ce qu'elle nous a fait vivre jusqu'à cette heure nous paraît à la fois si fantastique et si logique en même temps... Nos repères en sont décalés et, malgré notre conscience qui demeure vive et déployée, nombre de données se bousculent en nous.

    Une sensation, pourtant, demeure immuable depuis le début de ces expériences. Une perception que, dans l'écrin chaud de cette étable, nous éprouvons plus pleinement, comme si elle était concrète, comme si nous pouvions la toucher du bout des doigts. C'est celle d'une grande paix... au sein de laquelle tout s'agence avec simplicité.

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L'EAU

... ondoyant. Plus encore qu'auparavant, nous éprouvons la très nette et troublante sensation que nos corps subtils se sont dissous dans cette immensité aquatique. Nous gardons de nous l'image d'un point minuscule dont la vision s'étend à trois cent soixante degrés... et surtout, il nous semble vivre intensément au coeur d'un être, ou plutôt d'un prodigieux cerveau dont tout est issu.

    « Oui, oui, c'est à peu près cela, fait doucement la voix-guide, se rappelant alors à nous. L'eau, les rivières, les mers, les océans, forment un seul et même corps, une conscience unique qui agit telle une matrice. Ainsi que l'éther, elle constitue une plaque sensible de l'univers terrestre. L'histoire de votre monde se trouve condensée en elle. Du petit ruisseau, j'ai voulu vous emmener jusque
dans les fonds marins... parce que la mémoire aquatique y est plus vive. Lorsque l'eau renferme le sel, l'iode et cent autres éléments subtils, la conscience y est davantage présente, plus tonique.

    Voilà pourquoi tout le peuple animal qui vit dans les eaux des mers acquiert une perception de la vie plus fine, plus dynamique que celui qui évolue en eau douce. Son individualisation s'effectue plus rapidement parce que le monde des émotions prend plus vite place en lui. Il le laboure très tôt. Regardez la multitude des formes et des couleurs que la mer engendre. N'y voyez-vous pas un
creuset ? Où finit la plante et où commence l'animal ? Il ne suffit pas d'apposer une appellation scientifique sur telle ou telle espèce pour résoudre cette question. Il faut s'enfoncer dans les profondeurs de la Vie elle-même... là où le mystique prend le pas sur le scientifique, là où le scientifique s'aperçoit que sa science se résume à une leçon d'amour, là où, enfin, toute appellation n'a plus cours.

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    Vos frères des fonds marins sont d'ores et déjà vos frères des temps à venir. Leurs âmes expérimentent la vie physique par le canal où celle-ci stimule le plus rapidement la naissance des sentiments, de la sensibilité. Ainsi, nombre d'âmes-groupe prennent pleinement conscience d'elles et croissent en ces zones de l'univers matériel. Elles apprennent d'abord leur tâche en guidant les êtres dont le sang est froid et, lorsqu'elles ont elles-mêmes grandi à travers les espèces dont elles avaient la charge... au bout de quelques millions d'années, elles font muter celles-ci jusqu'à ce que leur conscience se déplace et vienne générer des êtres à sang chaud.

    Ce que le Souffle de Vie appelle conscience, voyez-vous, c'est-à-dire cette force qui peut éprouver des sentiments, des émotions, entreprendre une réflexion, des actions et porter par la suite un regard sur soi, est présente avec davantage d'intensité dans tous les organismes dont le sang est considéré comme chaud. La chaleur est toujours un signe de l'implantation plus tangible de l'ego, la trace
de la marque solaire indispensable à la maturation. Souvenez-vous... Je vous ai rappelé le passage obligatoire de la Vie par le stade égotique. C'est une transition difficile mais nécessaire.

    Cette distinction entre le sang froid et le sang chaud est importante. Elle vous permet de comprendre pourquoi certains d'entre vous, qui se disent végétariens, parviennent malgré tout à absorber la chair du poisson. Intuitivement, ils savent que l'ego, donc la conscience de soi, est moins incarnée dans le poisson. Laissez-moi maintenant vous dire que si cette position s'explique et se comprend, elle ne dispense aucunement du respect que l'humain doit à toute forme de vie, môme aquatique. En tant que cons-

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cience globale reliée à des milliers d'autres consciences collectives, je puis vous dire, amis, que le peuple des eaux souffre comme les autres de l'actuelle présence humaine sur Terre. Même si la conscience individuelle est moins développée en lui, elle est néanmoins présente, elle observe, elle mémorise des cicatrices et a besoin de votre amour pour vivre.

    Imaginez-vous que c'est l'eau et tout l'univers que celle-ci porte en son sein qui va participer majoritairement à la vie de votre espèce dans l'Ère qui s'ouvre aujourd'hui. Le grand calendrier cosmique le veut ainsi. Cela correspond à une loi, juste, bien qu'incompréhensible à votre niveau, qui veut qu'à chaque Ère qui s'ouvre on immole ou on se nourrisse de l'Être-symbole de l'Ère précédente. Ceci a toujours eu lieu, soit sur le plan symbolique, soit au niveau concret.

    Ainsi donc, soyez bien certains qu'avec cette ultime fin de l'Ère des Poissons débute le temps où les hommes vont intégrer une quantité croissante de nourriture issus des mers.

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DAUPHIN
 
 

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    Enfin, dans la texture même de la lumière, une forme apparaît et se rapproche de nous à grande vitesse. Elle est ondoyante et bleue. Plus bleue et plus pétillante encore que l'eau qui nous accueille. Elle ressemble à un regard ou à un sourire vivant qui fuse dans notre direction, sans Un mot.

    Un dauphin... ! Nous n'avions pas osé souhaiter une telle présence et voilà qu'elle se propose à nous spontanément...

    Avec une souplesse inimaginable, l'être se met à tourner autour de nous, exactement comme s'il percevait nos contours, pourtant immatériels. Dans les mouvements de son corps puissant, seule la joie s'exprime. Celle-ci est partout et génère une sorte de tourbillon communicatif qui emporte tout dans sa plénitude.

    Soudain, l'être s'arrête, fait mine de se laisser porter par les eaux et s'immobilise enfin. Nous ignorons dès cet instant si nous sommes en lui ou face à lui. L'exil du dauphin, voilà tout ce qui nous habite. Par son seul éclat, l'animal rit ou chante, nous ne savons... mais sa mystérieuse mélodie réveille dans nos cœurs comme un vieux souvenir, une présence familière qui fredonne...

    « Hommes... pourquoi tant de distance ? Pourquoi êtes-vous si proches et si lointains ? Parfois, il nous semble que vous vous sentez pleinement nos frères, que vous nous entendez... Et puis non, vous ne faites que nous écouter... vous ne gardez pas la joie que nous vous offrons, vous ne parvenez pas à vous souvenir. Ouvrez votre mémoire et laissez-moi dès maintenant vous conter notre histoire, le récit de cet antique pacte qui unit notre peuple au vôtre. Ceci est ma tâche. Écoutez...

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    Il y a de cela fort longtemps, ce monde commença à être visité par de grands êtres venus des confins de l'univers. Ils habitaient quelques-uns de ces points de lumière si minuscules au firmament, la nuit. Ils venaient sur cette Terre pour y insuffler la Vie, pour l'aider dans son expansion pure et juste, lumineuse et rayonnante. Ne riez pas, ceci n'est pas une fable, mais une réalité à laquelle vous goûterez à nouveau un jour proche.

    Ces êtres n'étaient pas faits d'une matière semblable à celle que vous connaissez en ce monde. Elle était une clarté qui parvenait à  peine à se densifier au contact du sol terrestre. Les humains de cette planète les virent comme des dieux... et en effet, ils l'étaient en regard d'eux, englués dans une matière pesante et toujours prêts à entamer une guerre pour assouvir leurs moindres désirs. Voyant cela, les êtres venus de la Lumière comprirent alors que leur tâche était de stimuler l'amour et la conscience chez ceux que la Vie les avait amenés à visiter. Pendant de longs millénaires, à de multiples reprises, ils tentèrent donc de leur apporter leur compréhension des choses, une partie de leur savoir... avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins de revers. Ceux qu'ils avaient résolu d'aider s'avéraient être, en effet, des rebelles à la Force de Vie. Cependant, l'amour ne connaît pas de limites et la Terre, en ces temps reculés, était si belle... Elle était si belle et il y avait tant à y faire que l'on ne pouvait laisser l'Ombre commencer à s'y installer fermement.

    C'est alors que certains des êtres de la Lumière se laissèrent peu à peu prendre au piège de la matière terrestre. Ils résolurent de l'expérimenter plus pleinement. Ainsi, redécouvrirent-ils petit à petit ce que sont le pouvoir et certains appétits physiques débridés. Certes, leur coeur

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demeurait pur et leur volonté d'aider toujours aussi inébranlable, mais une partie d'eux s'était souillée... En venant visiter la Terre, au fil des âges, ils avaient tenté d'y implanter des espèces végétales nouvelles, puis des animaux. Leur but était de parfaire l'évolution de
ceux-ci, d'activer en eux le Souffle afin d'accompagner la Nature dans sa tâche... C'est ce qui est demandé à toute conscience lorsqu'elle s'approche de l'Esprit.

    Lorsqu'ils s'aperçurent qu'ils s'étaient laissé prendre au piège de la Terre, les hommes de la Lumière comprirent qu'ils n'en sortiraient plus avant longtemps. Ils étaient devenus, plus pleinement qu'ils ne le croyaient, des fils de ce monde...

    C'est alors que l'Esprit de Vie leur donna la possibilité d'aider les humains et leur Terre en ne demeurant plus totalement parmi eux. Il fallait pour cela que leurs âmes viennent habiter les corps d'une espèce de ces animaux qu'ils avaient implantée dans les mers terrestres.

    Oh, ne croyez pas qu'une Force les obligeait à faire cela. C'est eux-mêmes qui se l'imposèrent, voyant dans cette opportunité un moyen de retrouver une simplicité, une naïveté et une spontanéité qui s'étaient émoussées en eux. Ainsi pourraient-ils continuer à servir l'homme et sa planète tout en se purifiant eux-mêmes.

    Je suis l'un de ceux-là, frères humains et c'est pour cette raison qu'avec tous ceux de mon espèce, de vie en vie, je tente d'entretenir le sceau de l'amitié entre nos deux peuples. La joie et la candeur sont nos ambassadrices. Ce sont les forces que notre esprit essaie de vous communiquer, de vous faire redécouvrir... car ce lieu d'où nous venons, cet état de l'être profond, nous y retournerons ensemble. Notre conscience participera au fait de vous y conduire.

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* RAT OU SOURIS
* QUESTIONS RÉPONSES

- VÉGÉTARISME
- RECHERCHE
- CHASSE
- RESPECT
- ÉLEVAGE
* CHARTE  DU DROIT DES ANIMAUX